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Le jour se leva sur une curieuse scène. Une jeune paysanne accompagnée de son voisin observait l’étendue de ce qui restait de leurs récoltes. Là où la veille se dressait fièrement un champ de blé, reposait maintenant une couche de cendre blanche telle une légère neige printanière.
« Avant de me faire des réprimandes, est-ce que je peux seulement m’expliquer ? » Fit le jeune homme
« Tu aurais pu éviter ce désastre si tu n’avais pas allumé le feu durant toute la nuit, marmonna la jeune fille. Les centaures de la forêt nous avaient prévenus qu’un dragon arpentait nos terres. Cette race se déplace essentiellement la nuit, nous devions être prudents et ne pas signaler notre présence. »
Elle regarda la brume lointaine et grisâtre s’envoler devant la lisière de la forêt. Quel désastre ! Le jeune homme observa les champs calcinés. Aucune récolte n’avait survécu.
« Si tu le souhaites, nous pouvons nous rendre auprès du roi pour demander une compensation financière, dit le jeune homme. C’est lui qui aurait dû agir et protéger nos terres. »
Il fut entendu que tous deux partiraient le lendemain matin. Le voyage allait être long et il n’est pas facile d’atteindre si aisément le roi mais leur récolte étant partie en fumée, il n’avait plus rien à perdre. Le jour suivant, les deux voisins se retrouvèrent devant la forêt pour commencer leur voyage. Non sans quelques craintes et le cœur battant un peu plus vite qu’à la normale, ils entrèrent dans la forêt. Différentes étranges créatures vivaient dans cet endroit sombre et dense. D’anciennes légendes racontent que les arbres avaient passé un accord avec les animaux pour les protéger. Ils devaient créer des espaces si étroits et touffus en aiguille de sapins, que les hommes ne pouvaient atteindre les espaces où les animaux vivaient. Mais c’était sans compter sur le savoir de nos deux jeunes héros. Chacun ayant grandi proche de la nature, ils avaient su apprivoiser la magie des arbres. C’est avec respect que les grands conifères leur laissèrent place. Leurs pieds foulèrent un tendre chemin en mousse, l’odeur de résines venaient caresser leurs narines, tous ces signes montraient l’acceptation de ces jeunes inconnus au sein de la forêt.
Le début du voyage se déroula sans encombre. Ils trouvaient aisément un lieu pour se reposer et repartaient dès l’aube pour profiter de la fraîcheur du matin. Un jour, le jeune homme s’arrêta en fixant une branche d’arbre. Il avait repéré un oiseau d’une couleur bleue si vive qu’il tranchait avec la verdure des sapins.
La jeune fille agrippa le bras du jeune homme et lui montra l’oiseau qu’elle semblait avoir aussi repéré.
« Regarde cet oiseau ! Ne reconnais-tu pas cette race ? Ils sont particulièrement rares ! On m’avait raconté qu’il s’agit d’une race ancienne connue pour sa sagesse. Ce sont les seules à avoir acquis assez de magie pour pouvoir communiquer avec les humains. Je crois que nous devrions le suivre, il saura nous montrer un chemin sûr. »
Le jeune homme rit. Comment un oiseau pourrait-il aider deux êtres humains ?
« Je comprends le rire du garçon, s’exclama une voix. Les deux compagnons aperçurent alors une jeune femme miniature pourvue d’ailes étincelantes. Il est assez déroutant de penser qu’un oiseau soit capable d’aider les humains. Laissez-moi vous aider, je suis une jeune fée et mes pouvoirs sont infinis. »
Les deux jeunes gens ne savaient que répondre. Après quelques instants, le jeune homme s’avança vers la fée. Il lui paraissait logique de la choisir car elle semblait posséder une magie si puissante que rien ne pourrait les arrêter. La jeune fille hésita. Elle regarda l’oiseau lorsqu’une vague de chaleur s’empara d’elle. Elle devait le suivre, son choix fut fixé. Les deux compagnons se séparèrent et continuèrent leur route sur différents chemins.
Le jeune garçon rencontra rapidement une première étape de taille. La fée l’avait amené près d’un ravin dont la traversée semblait impossible. Mais c’était sous-estimé la puissance de sa nouvelle protectrice. En l’espace de quelques temps, un pont fut formé entre chaque rive. Une fois le ravin franchi, le jeune garçon fut ravi du travail de la fée. Ses pouvoirs sont si puissants qu’il se demandait pourquoi son ancienne compagne de voyage avait choisi l’oiseau, quelle naïveté !
Mais voilà qu’un autre homme essaya de traverser à leur suite. La fée leva ses mains et le pont fut détruit aussi rapidement qu’il avait été construit. « Sache mon ami, lui répondit la fée, que les hommes sont trop corrompus pour cheminer ensemble jusqu’au palais du roi. Cette personne aurait très bien pu essayer de te voler ta nourriture ou pire ! »
La conscience du jeune homme était tout en alerte. Un malaise semblait grandir en lui alors qu’il décida malgré tout de suivre la fée non sans lancer un regard de pitié à l’homme qui les observait d’un air désemparé. Alors qu’il commença à marcher, ses pas lui parurent soudainement plus lourds et un doux cri d’injustice semblait s’éveiller en lui.
« Pia, pia » sifflotait l’oiseau en voletant au-devant. Le temps passant, le doute s’insinuant, la jeune femme se mit à regretter ce choix qu’elle avait peut-être précipité. L’oiseau la porterait-il jusqu’au château mieux que la fée et ses mille enchantements ? A y regarder de plus près, ne paraissait-il pas frêle malgré ses ailes aux couleurs du ciel ?
« Pia, pia » : le chant de l’oiseau allégeait son cœur de toute pesanteur et le doute s’envola. Aussi pouvait-elle avancer d’un pas allègre au rythme des « pia, pia » de son compagnon.
Comme la route était longue ! Cependant, comme l’air était doux ! Comme le paysage était apaisant ! Comme elle se sentait bien sur ce sentier forestier !
Le temps s’écoulait lentement, les levers et les couchers de lune se suivaient sans que sa destination ne lui semblât plus proche. Impatiente parfois, chaque « pia, pia » lui rappelait alors qu’elle n’était pas seule et que l’oiseau veillait sur elle.
Un cri l’arrêta en chemin. C’était un cerf qui gémissait, une plaie sur le côté. Pouvait-elle l’ignorer ? S’attarder signifierait prolonger ce périple qu’elle souhaitait terminer au plus vite.
« Pia, pia » : l’oiseau se posa délicatement sur le flanc de l’animal à terre. Elle s’approcha, contempla la bête dont la peine l’appelait à prendre le temps de s’arrêter. La convalescence était lente mais assurée. Quand vint le moment de repartir, c’est ensemble qu’ils avancèrent.
Le cerf, maître de la forêt, l’entraîna à sa suite vers une clairière. Le voici qui s’incline, lui présentant tout ce qu’elle espérait trouver à cet instant : des baies, des framboisiers, des mûriers, des arbres fruitiers et une source d’eau pure. La voici rafraîchie, épanouie et remplie d’une énergie nouvelle. Quelle belle rencontre que celle de ce nouvel ami !
« Pia, pia » sifflotait l’oiseau en voletant au-devant.
Comme la route était longue ! Cependant, comme l’air était doux ! Comme le paysage était apaisant ! Comme elle se sentait bien sur ce chemin au bord des champs !
Elle progressait gaiement vers le palais et comptait les lunes qui l’en séparait. Cela ne devait plus être bien long ! Survint cependant un événement imprévu : le silence. À l’instant où elle prit conscience que les « pia, pia » de l’oiseau n’accompagnaient plus ses pas, elle sentit comme un étau lui comprimer l’air dans sa poitrine. Elle manqua d’oxygène, suffoqua.
Un éclair bleuté. Celui qu’elle considérait désormais comme un ami avait été cloué au sol par une sorte de serpent fait de ronces ensorcelées.
« Ne… crains… rien…. Respire. »
Ces mots que l’oiseau avait difficilement articulés eurent sur elle un effet salvateur : son cœur se remit à fonctionner normalement, libéré de cette paralysie angoissante qui l’avait saisie suite à l’attaque.
Elle voulut secourir son ami mais le reptile qui resserrait subtilement ses anneaux autour de l’oiseau tourna brusquement sa tête vers elle. Pétrifiée une poignée de secondes, elle ne put bouger. Elle réalisa qu’elle avait bloqué sa respiration par peur d’une attaque de l’animal. Ses longues dents crochues et le venin qu’elles contenaient lui promettaient d’agonisantes souffrances.
Cependant, son courage lui dictait de croire les paroles de son ami. Alors elle prit une profonde inspiration. Quelle ne fut pas sa surprise quand, immédiatement après, une flèche vint se loger dans l’abdomen de la bête monstrueuse. L’impact provoqua comme une décharge et le serpent fut changé en bois mort.
« Dans le mile ! »
La jeune fille se retourna pour voir un elfe aux traits parfaits (ce qui devait obligatoirement compenser quelques défauts de caractère) la saluer d’un air satisfait.
« Cette flèche foudroyante que m’avait remise le vieil ensorceleur pour récompenser ma bravoure aura bien servi ! Quelle espèce de démon rampant était-ce donc ? »
Trop interloquée pour lui répondre, elle fit les yeux ronds, seul moyen qu’elle trouva d’exprimer l’étonnement qu’elle ressentait d’avoir échappé à un tel péril.
« Pour mon ami aux ailes bleu céleste, je ne pouvais demeurer en retrait ! Ma rapidité et mon agilité n’ont d’égal que la cruauté du monstre que j’ai vaillamment abattu. »
La jeune fille se demanda si elle avait bien entendu.
« Merci, mon ami » répondit simplement l’oiseau.
Alors, fait encore plus surprenant, l’elfe inclina la tête en signe de respect avant de disparaître à travers champ.
Au même moment, le pauvre voisin accompagné de la fée tombait dans un guet-apens. Des brigands gardaient cette route de montagne comme leur terrain de chasse et, en détroussant marchands et itinérants, s’assuraient que la disette ne les atteindrait pas.
Coups et blessures plurent sur le jeune homme déjà terrassé par les épreuves passées. Alors que les bandits fouillaient ses biens et ne trouvaient rien, il leva des yeux implorant vers sa compagne, la fée. Plus meurtriers que la rossée qu’on lui infligeait furent son haussement d’épaules et son air méprisant. Elle rejoignit celui qui passait pour le chef de ces brutes et lui promit monts et merveilles. Séduits, les brigands partirent avec la fée et abandonnèrent ce maigre va-nu-pieds qui, décidément, ne valait rien.
Il fallut aux deux jeunes gens encore bien du courage pour parvenir jusqu’au château du roi, mais ils y finirent par y arriver, bon gré mal gré. Le monarque tint ses promesses et l’aide financière espérée fut octroyée. L’un était consumé de chagrin et de regrets, le cœur amer. L’autre se trouvait plus légère qu’avant la perte de ses terres, le cœur reconnaissant et content.
Comment cela était-il possible ?
La réponse se trouve dans le pépiement d’un oiseau aux couleurs du ciel. La jeune femme avait découvert que la vraie richesse est immatérielle et qu’elle possédait en elle plus d’or à donner qu’on ne pouvait l’imaginer. Elle avait choisi l’espérance et la bonté alors que sa vie ne profilait qu’un sombre avenir.
« Pia, pia » : l’oiseau s’approcha du jeune homme dépité qu’il tâcha de consoler. Par son chant, il offrit au garçon qui s’en sentait indigne une seconde chance. Il lui apprit que sa vie avait plus de valeur à ses yeux que tout ce que la terre pouvait regorger de pierres précieuses et de joyaux. Il continua de pépier en lui proposant d’aller avec lui et de lui montrer qu’un autre chemin est possible.
« Pia, pia. »